Histoire du sanitaire bovin en France. La création des Groupements de Défense Sanitaire

Création des GDS : La France a toujours été un grand pays d’agriculture mais la situation sanitaire de l’élevage bovin après-guerre n’est pas florissante ; fièvre aphteuse, tuberculose et brucellose bovine sont endémiques. Cela va conduire les organisations professionnelles agricoles et l’Etat à créer les Groupements de Défense Sanitaire (GDS).

La tradition agricole de la France est séculaire mais la prise en compte des enjeux sanitaires de l’élevage reste récente.

L’élevage, une composante majeure de l’histoire de France…

De par sa situation géographique, la variété de ses territoires et l’expertise de ses paysans, la France a de tout temps été une grande terre d’agriculture. Dès la période romaine, la Gaule est reconnue comme le grenier à blé de l’empire et les flux de marchandise agricole vers Rome sont constants : céréales, bétail, vin… En 1638, Sully, ministre du roi Henri IV, déclare « Le labourage et le pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée ». Mais pendant longtemps la consommation de viande reste l’apanage d’une certaine classe sociale et l’élevage bovin est majoritairement consacré à la traction animale. Il faut attendre la fin du 18e siècle pour voir se développer l’élevage bovin à destination de la boucherie.

… et une fierté nationale

La consommation de viande bovine progresse de 35 % entre 1815 et 1850, principalement dans les grandes villes. Pour mettre en avant cette production, des concours nationaux sont créés dès le 19e siècle : concours de Poissy en 1843, concours universel d’animaux reproducteurs en juin 1855 qui attire plus de 80.000 visiteurs en une semaine, Concours Général agricole en 1870, avec présentation de toutes les espèces animales de rente mais également de grains, plantes et matériels agricoles, Semaine Agricole en 1903. Tous ces évènements sont les précurseurs du Concours Général Agricole, créé en 1964, que nous connaissons aujourd’hui.

L’émergence progressive d’une conscience sanitaire

Le début du 18e siècle est marqué par une épidémie sans précédent de peste bovine. La gestion se heurte au refus des éleveurs en France de pratiquer l’abattage ciblé des troupeaux atteints, ce qui permet à l’épidémie de se diffuser et de perdurer. On mesure déjà les limites des mesures individuelles dans la gestion d’une maladie. Le 04 août 1761, Claude Bourgelat, écuyer du roi, créé à Lyon la première école vétérinaire au monde. Avec l’émergence de cette profession et la révolution pastorienne, la connaissance des agents pathogènes et la compréhension des maladies progressent et l’hygiène et le sanitaire deviennent des sujets de préoccupation.

En 1950, l’élevage bovin français est confronté à de nombreuses pathologies avec un impact économique majeur : tuberculose, fièvre aphteuse, brucellose bovine… C’est ce qui va conduire les éleveurs à créer les Groupements de Défense Sanitaire, en collaboration avec les Services Vétérinaires.

La tuberculose bovine, une préoccupation sanitaire historique…

A la fin du 19e siècle, 2 % des bovins français sont probablement porteurs de tuberculose. En 1888, un décret inclut la tuberculose parmi les « maladies contagieuses », ce qui implique l’interdiction de la mise en commerce de la viande contaminée. L’arrêté ministériel qui accompagne ce décret précise que « lorsque la tuberculose est constatée sur deux animaux de l’espèce bovine, le préfet prend un arrêté pour mettre ces animaux sous la surveillance du vétérinaire sanitaire ». Il ajoute que « tout animal reconnu tuberculeux est isolé et séquestré. L’animal ne peut être déplacé si ce n’est pour être abattu ». Pour la commercialisation, « les viandes provenant d’animaux tuberculeux sont exclues de la consommation si les lésions sont généralisées et si les lésions ont envahi la plus grande partie d’un viscère ou se traduisent par une éruption sur les parois de la poitrine ou de la cavité abdominale » et « l’usage et la vente du lait provenant de vaches tuberculeuses sont interdits ». Toutefois, « le lait pourra être utilisé sur place pour l’alimentation des animaux après avoir été bouilli ». Cette solution trouve le soutien des éleveurs et des bouchers ainsi que des « hygiénistes » de l’époque. Grâce à la découverte de la tuberculine en 1893, un outil diagnostic existe enfin et des programmes de dépistage vont pouvoir être mis en place.

… une évolution sur la période entre-deux-guerres…

Le programme de lutte contre la tuberculose, mis en place par la loi du 7 juillet 1933, encadre et apporte des aides pour l’éradication de la tuberculose. Mais il montre rapidement ses limites car il n’a pas de caractère contraignant. Quelques éleveurs appliquent les préconisations pour se débarrasser de la maladie : dépistage par tuberculination et abattage des animaux infectés. Au final l’assainissement fonctionne chez les volontaires, mais les troupeaux se recontaminent. La situation stagne et très vite, la conclusion s’impose : seule une action sanitaire collective permettra d’assainir les troupeaux.

… et un électrochoc à la libération

Dans les mois qui suivent la libération en 1945, des troupes, notamment américaines, sont stationnées en France. Pour leur approvisionnement en lait, le commandement américain n’arrive pas à obtenir d’assurance sur l’état sanitaire du cheptel français vis-à-vis de la tuberculose. Ce sont le Danemark et la Hollande qui sont choisis pour la fourniture ! La décision ne passe pas inaperçue. Pour les français, si fiers de leur Agriculture, c’est une sérieuse remise en cause. C’est pourquoi le syndicalisme agricole, la mutualité sociale agricole et les services vétérinaires réfléchissent à de nouvelles formes d’organisation afin de rendre la lutte contre la tuberculose efficace. L’idée d’associer et d’impliquer activement les éleveurs dans les opérations de prophylaxie fait peu à peu son chemin.


Années 50, vers la création des GDS…

C’est dans ce contexte que le 13 janvier 1951 est créé en Vendée le premier Groupement de Défense Sanitaire (GDS). Les éleveurs vendéens, appuyés par les services vétérinaires, se donnent pour objectif de vaincre la tuberculose en mobilisant toutes les énergies. Le 20 février 1951, une circulaire du Ministre de l’agriculture encourage le mouvement, constatant que « la prophylaxie de la tuberculose des bovidés n’a(vait) pas donné les résultats attendus », mais que dans certains départements, l’intervention des « Mutuelles contre la mortalité du bétail » avait fait la preuve que l’intervention à forme collective était susceptible de conduire à une meilleure efficacité. C’est dans le prolongement que sont créés le 25 novembre 1953 le Groupement de Défense Sanitaire du Cheptel Creusois et le 10 février 1954 la Fédération Nationale des GDS.

… et de la délégation de gestion des prophylaxies

La Loi du 6 décembre 1954 précise que les opérations de prophylaxie de la tuberculose bovine seront conduites « dans le cadre d’actions à caractère collectif entreprises avec la collaboration d’organismes de défense sanitaire dont les statuts auront été approuvés par le Ministre de l’agriculture ». Cette loi consacre le principe de l’action collective, permet de donner un cadre cohérent à la participation des éleveurs aux opérations de prophylaxie et constitue l’acte de naissance des Groupements de Défense Sanitaire. Pour être reconnus par les pouvoirs publics, les GDS doivent alors mobiliser au moins 60 % des éleveurs ou les éleveurs représentant au moins 60 % des animaux. Les aides de l’Etat à l’assainissement sont réservées aux seuls agriculteurs adhérents à ces organismes. Pour la première fois, la puissance publique associe étroitement les éleveurs à la conception des actions de prophylaxie qu’elle organise, dirige et encourage financièrement.

Un modèle qui ne s’est jamais démenti depuis

Au cours des décennies qui suivront, les autres programmes de prophylaxie s’appuieront tous sur ce premier schéma qui sera couronné de succès : reconnaissance du statut indemne de leucose de la France en 1999, de la tuberculose en 2001, de la brucellose en 2005, arrêt de la vaccination fièvre aphteuse depuis 1992… Ce sont ces succès qui vont conduire le 31 mars 2014 à la reconnaissance des GDS comme Organisme à Vocation Sanitaire pour le domaine animal à l’échelon régional. Des chantiers sont encore en cours comme la finalisation de l’éradication de l’IBR ou de la BVD, et certainement d’autres à venir, mais nul doute que nous saurons relever ces nouveaux défis !

Dr Boris BOUBET
GDS Creuse